Source du doctor bashing: «c’est sûr que ce ne sont pas les ententes», selon Godin

PAR DENIS MÉTHOT LE 8 NOVEMBRE 2018

Sous l’ancien gouvernement, les médecins sont devenus un ballon politique, a dénoncé le Dr Louis Godin devant le Collège des médecins.

Les dernières ententes conclues entre le gouvernement précédent et les fédérations médicales seraient-elles à l’origine du mécontentement de la population à l’endroit du milieu médical? Invités par le Collège des médecins (CMQ) à exposer leur point de vue, la Dre Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, et le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, ne se sont pas défilés.

Le colloque annuel du CMQ, tenu à Québec le 2 novembre dernier, avait pour thème «Retrouver le sens de la profession». L’occasion d’amener la communauté médicale à se questionner sur les motifs de la grogne de la population à son endroit et de se livrer à un examen de conscience quant à sa responsabilité vis-à-vis de ce phénomène récent qui a fait perdre beaucoup de lustre à la profession.

«Comment, se demandait le Collège, renverser ces perceptions et faire en sorte que les meìdecins et la profession meìdicale retrouvent l’estime du public?»

Les ententes pointées du doigt

Les fortes augmentations de rémunérations consenties aux médecins ces dernières années – alors que l’on coupait dans des services comme l’éducation–, le dévoilement par des médias de diverses primes jugées scandaleuses et les problèmes persistants d’accessibilité ont mis à mal l’image du corps médical depuis deux à trois ans. Les médecins, qui vivaient sur un piédestal, se sont retrouvés sous le feu des critiques, un traitement auquel ils n’étaient pas habitués ni préparés.

Depuis 2017, la médecine a souvent mauvaise presse au Québec. Les manchettes vitrioliques se sont enchaînées et rien ne laisse croire qu’elles vont s’arrêter de sitôt. Plusieurs médecins ont souffert de cette perte de prestige social et certains ont tendance à tirer sur le messager, les médias, plutôt qu’à saisir le message lui-même. Jusqu’où le contenu des dernières ententes et le corporatisme des fédérations médicales ont-ils joué un rôle dans cette avalanche de griefs?

Il s’est passé des choses depuis quatre ans

Le Dr Louis Godin est parfaitement conscient que sa fédération est pointée du doigt. En s’avançant au micro, il s’est décrit avec ironie comme «le représentant de l’empire du mal». Pourtant, ce n’est pas ce qu’il vit dans la réalité, a-t-il raconté.

«J’ai le privilège de faire le tour du Québec à chaque année et je rencontre une partie très importante de notre membership. Individuellement, les médecins n’ont pas perdu le sens de leur profession, a-t-il dit. Ils l’ont toujours et probablement plus que jamais parce qu’ils ont réussi à passer les quatre dernières années encore vivants et capables de donner des soins de qualité. On n’a donc pas besoin de le retrouver (le sens de la profession)».

Toutefois, il admet qu’il s’est passé bien des choses durant ces quatre années, faisant allusion aux critiques. Les contrats de travail y sont-ils pour quelque chose?

«Vous me voyez venir, c’est sûr que ce ne sont pas les ententes», a-t-il lui-même répondu. Des sondages menés à la demande de la FMOQ ont démontré que plus de 80% des répondants avaient encore une opinion très favorable de leur médecin de famille, et 75% avaient jugé que leur rémunération était soit adéquate, soit insuffisante.

«Vous voyez donc toute la différence entre ce que pense la population et ce qui est rapporté dans les médias», a-t-il commenté.

Un vent venu de l’Ouest 

Alors, s’il n’est pas attribuable aux ententes, d’où proviendrait le «doctor bashing»?

Selon lui, le phénomène aurait débuté en Colombie-Britannique et en Ontario au tournant des années 2010, quand les gouvernements de ces deux provinces ont voulu changer la donne des négociations avec les médecins.  C’est là, dit le Dr Godin, que la question de la rémunération est apparue dans le débat et que l’on s’est mis à questionner la hauteur de la rémunération des médecins. Le mouvement aurait gagné le Québec en 2013 lors du premier budget du gouvernement péquiste minoritaire.

«À partir de ce moment, a décrit le président de la FMOQ, on voit s’installer toute cette relation entre la rémunération et le service des médecins.» Une première demande de réouverture des ententes est venue de ce gouvernement. Mais le Parti québécois été battu et les Libéraux de Philippe Couillard ont pris le pouvoir.

«Ce fut alors l’explosion de critiques», a résumé le Dr Godin. En 2014, on a commencé à décrire les médecins, particulièrement les omnipraticiens, comme des êtres paresseux, qui ne voulaient pas travailler et dont la seule préoccupation était de revenir à la maison à 16 heures. À partir de là, ce fut le jeu de la surenchère, autant des politiciens que de certains leaders d’opinion publique. Les médecins sont devenus un ballon politique. On a dit qu’ils étaient favorisés parce que le Québec était dirigé par un gouvernement de docteurs. Mais pendant que tout le monde pensait que Philippe Couillard et Gaétan Barrette favorisaient les médecins, jamais un ministre de la Santé n’avait été autant détesté par les médecins de famille que le Dr Barrette.»

Solutions pour améliorer l’image des médecins

Malgré l’embellie qui semble exister depuis l’élection de la CAQ et qui a amené un vaste sentiment de soulagement chez plusieurs médecins, le Dr Godin prêche la prudence.

«Il reste encore un problème important à améliorer, c’est celui de l’accessibilité, a-t-il dit. Il faudra au cours des prochains mois, des prochaines années, mener ce projet de donner un médecin de famille à tout Québécois qui le désire.»

Mais que ça les choque ou pas, les médecins vont rester sous la loupe des médias et demeureront sujets aux reproches collectifs. Le Dr Godin propose un plan en quatre points pour rétablir leur image:

  • Montrer ce qu’ils font de bien, même s’ils ont parfois l’impression que ça ne donne rien;
  • Continuer d’être présents dans les médias et d’être là au bon moment, de la bonne façon;
  • Continuer à améliorer l’accès;
  • Apprendre de la leçon et demeurer humbles, à la fois comme médecin et profession, et accepter d’être critiqués.